09 Dic 2024

160. POESÍA FRANCESA. STÉPHANE CHAUMET

-30 Mar 2024
Traducción

 

6 poemas del libro inédito

Siempre hay una buena razón para no poder dormir

de Stéphane Chaumet

(versión al español del autor)

 

 

Ma mère à huit pattes enceinte me porte, son œuf de fillette, je lui tisse sa maison dans son ventre, elle protège son œuf de fillette, l’emmaillotte, le développe à la soie de son ventre. Ma mère à huit pattes est prête à mordre, capable de tuer si l’hostilité tente une approche sur son œuf, son œuf de fillette en péril. Il faudra bien qu’elle m’expulse, que je m’extirpe, sinon ma mère à huit pattes est capable de momifier son œuf, par amour. Une fois expulsée ma mère m’offre ses mamelles, ses grosses et chaudes mamelles, continue à me donner une forme, ça l’inquiète sa forme de fillette, elle la veut parfaite, aussi parfaite qu’une géométrie. Je la déçois, je suis sa souffrance et son amour, je m’accroche à ses mamelles, je déforme ses mamelles, elle en souffre et aime que je les aime, grosses et chaudes. Je manque d’os, je n’ai pas le bon équilibre, j’ai tendance à me mollifier sous les mamelles. Seulement il n’y a pas que ma mère à huit pattes, la fillette a un géniteur, et les fissures dans la maison c’est lui, les parasites rouges qui rongent les veines de la mère c’est lui, l’angoisse dans le ventre de fillette c’est lui, l’attente d’une caresse c’est lui, l’humiliation dans l’âme c’est lui. Alors fillette se rebiffe, fillette montre les dents, et tisse son piège où le père se prend. Il n’aime pas ça, le père. De colère la sentence tombe. Je suis pendue au phallus. Ce que le père ignore c’est que ma main est un couteau. Je n’hésite pas, je coupe, je coupe, et malgré tout je voudrais qu’il m’aime, et trouver la douceur.

 

INSOMNIE AVEC LOUISE BOURGEOIS

 

 

Mi madre de ocho patas embarazada me lleva, su huevo de niñita, yo le tejo la casa en su vientre, ella protege su huevo de niñita, lo envuelve, lo desarrolla en la seda de su vientre. Mi madre de ocho patas está dispuesta a morder, es capaz de matar si la hostilidad intenta un acercamiento hacia su huevo, su huevo de niñita en peligro. Hará falta que ella me expulse, que yo me extirpe, si no mi madre de ocho patas es capaz de momificar su huevo, por amor. Una vez expulsada, mi madre me ofrece sus tetas, sus gordas y calientes tetas, sigue dándome una forma, le inquieta la forma de su niñita, ella la quiere perfecta, tan perfecta como una geometría. La decepciono, soy su dolor y su amor, me agarro a sus tetas, deformo sus tetas, eso le duele y ama que las ame, gordas y calientes. Me faltan huesos, no tengo buen equilibrio, tengo tendencia a ablandarme bajo sus tetas. Ahora no solo está mi madre de ocho patas, la niñita tiene un genitor, y las grietas en la casa son él, los parásitos rojos que roen las venas de la madre son él, la angustia en el vientre de la niñita es él, la espera de una caricia es él, la humillación en el alma es él. Entonces niñita se resiste, niñita enseña los dientes, y teje la trampa donde el padre cae. Eso no le gusta al padre. Por la ira cae la sentencia. Ahorcada en el falo. Lo que el padre ignora es que mi mano es un cuchillo. No vacilo, corto, corto, y a pesar de todo quisiera que me amara, y encontrar la dulzura.

 

INSOMNIO CON LOUISE BOURGEOIS 


 

 

L’histoire de la vulve. Tu la connais ? me demanda Carolina, en écartant la sienne. Je peux en faire sortir un serpent. Je parie que tu n’oseras pas dis-je, anxieux. Elle se concentra, les yeux révulsés, la langue en érection rouge et avec stupeur je vis un serpent noir s’échapper de sa vulve. La vulve n’est pas un trou, mon petit lécheur, et la mienne a des dents. Tu n’es pas comme le docteur j’espère, qui a la frousse des vulves dentées ? Regarde sa belle couleur de peau irritée. J’ai la vulve virulente. Et l’haleine amère. Je n’aime pas être consumée dans le sourire, pas être désirable. Mais je peux affirmer mon désir. Approche. Elle prit ma bite dans sa main. C’est comme du caoutchouc, dit Carolina en tirant dessus, ça se tend, puis ça retombe. Après avoir craché son petit venin. Montre-moi ta langue. La langue ne vieillit pas. Encule-moi avec ta langue. Fourre-la dans ma bouche. Qu’elle me lime, là, et ses ongles vernis dévoilèrent son organe charnu. J’aimais aussi sa langue, menaçante, agressive et défensive. Carolina m’entraîna dans une pièce obscure. Il y régnait une odeur chaude et âcre, celle des plis. Elle me montra ses collections pour jouer avec. Rasoirs et boyaux, chaussures et phallus, pneus et tétons, prothèses et seringues, dentiers à vulve et couronnes végétales, pelages et tresses coupées, rognures d’ongles et des yeux de verre. Des aquarelles sales, des broderies qui se débraillent. Il y avait aussi un urinoir. C’est ma nostalgie des pissotières, dit Carolina. Plus jeune j’y allais pour voir des queues. Étudier sur le motif. Elle avait une attirance pour tout ce qui se déjecte, se projette, s’étale, salive, sperme, sang, sueur, pisse, merde, morve, mouille, menstrue. Sans ça l’art n’est rien. Le corps propre n’existe pas. J’ai tous les corps, dit-elle, même l’animal, l’hybride. Je lui confiai qu’un jour une femme m’avait demandé de lui chier sur le visage. Tu la fais ? me demanda Carolina, excitée dans l’expectative de ma réponse. Je ne refuse jamais un fantasme à une dame. J’eus soudain peur de cette prétention en voyant s’illuminer son visage. Cette nuit j’ai rêvé, j’étais nue, que je n’avais plus de jambes mais encore mes chaussures rouges au pied du lit. Amputée, une femme tronc, j’attendais que l’extase m’encule. Un rêve délicieux. N’oublie pas, si tu veux jouir, il faut faire exploser les frontières du corps, cette prison merveilleuse, à la dynamite du désir. Et elle me tendit une chose qui étincela dans l’obscurité.

 

INSOMNIE AVEC CAROL RAMA

 

 

La historia de la vulva. ¿La conoces? me pregunta Carolina, abriendo la suya. Puedo sacar de ella una serpiente. Apuesto a que no te atreverías, dije con ansiedad. Se concentró, los ojos en blanco, la lengua en erección roja y con estupor vi una serpiente negra escapando de su vulva. La vulva no es un hueco, mi pequeño lamedor, y la mía tiene dientes. ¿No eres como el doctor espero, que tiene pavor de las vulvas dentadas? Mira su hermoso color de piel irritada. Tengo la vulva virulenta. Y el aliento amargo. No me gusta ser consumida en la sonrisa, ser deseable. Pero puedo afirmar mi deseo. Acércate. Tomó mi verga en su mano. Es como el caucho, dice Carolina tirando de ella, se estira y luego vuelve a caer. Después de haber escupido su pequeño veneno. Muéstrame tu lengua. La lengua no envejece. Dame por el culo con tu lengua. Embútemela en la boca. Que me lime, acá, y sus uñas barnizadas revelaron su órgano carnudo. Me gustaba también su lengua, amenazante, agresiva y defensiva. Carolina me arrastra en una habitación oscura. Reinaba allí un olor caliente y acre, la de los pliegues. Me mostró sus colecciones para jugar con ellas. Navajas de afeitar y tubulares, zapatos y falos, neumáticos y pezones, prótesis y jeringas, dentaduras postizas de vulva y coronas vegetales, pelajes y trenzas cortadas, trozos de uñas y ojos de cristal. Acuarelas sucias, bordados que se enmarañan. También había un urinario. Es mi nostalgia de los meaderos, dice Carolina. Más joven, iba allá para ver vergas. Estudiar sobre el motivo. Ella tenía una atracción por todo lo que se defeca, se proyecta, se unta, saliva, esperma, sangre, sudor, pis, mierda, moqueo, secreción vaginal, menstruación. Sin eso el arte no es nada. El cuerpo limpio no existe. Tengo todos los cuerpos, dice, incluso el animal, el hibrido. Le confío que un día una mujer me había pedido de cagarle en la cara. ¿Lo hiciste? me preguntó Carolina, excitada en la expectativa de mi respuesta. Nunca rechazo una fantasía a una mujer. De repente tuve miedo de esa pretensión al ver su cara iluminarse. Anoche soñé, estaba desnuda, que no tenía más piernas pero aún mis zapatos rojos al pie de la cama. Amputada, una mujer tronco, esperaba que el éxtasis me da por el culo. Un sueño delicioso. No olvides, si quieres gozar, es necesario hacer estallar las fronteras del cuerpo, esa cárcel maravillosa, con la dinamita del deseo. Y me alcanzó algo que resplandeció en la oscuridad.

 

INSOMNIO CON CAROL RAMA 


 

soûle ton rat

au champagne

nu vautré

sur le sofa

écarte tes cuisses

pour montrer

ta bite molle

la bite est molle

la plupart du temps

ce n’est pas

l’origine du monde

plutôt sa fatigue

sa lente ruine

la fin d’un monde

 

INSOMNIE AVEC LUCIAN FREUD

 

 

emborracha a tu rata

con champagne

en pelota tumbado

en el sofá

abre las piernas

para mostrar

tu verga blanda

la verga es blanda

la mayor parte del tiempo

no es el origen del mundo

más bien su cansancio

su lenta ruina

el fin de un mundo

 

INSOMNIO CON LUCIAN FREUD


 

 

il y a toujours une bonne raison de ne pas pouvoir dormir Goya, la guerre les atrocités quotidiennes la bêtise qui cerne la folie qui rôde les cauchemars à l’affût Goya, la soif de comprendre Goya, comprendre l’obscur de l’homme ce vieux goût du sang qui lui remonte dans la bouche la soif du mal cette gorge toujours sèche cet acharnement énigmatique à détruire Goya, l’obscur il faut bien que quelqu’un aille y voir Goya, là où bute la pensée là où le langage bute Goya, voir le basculement de cette limite Goya, cette zone de flou d’effacement ce diffus pénombreux ce seuil de l’opaque Goya, à la frontière de l’incernable de l’inexprimable d’un inconnu néfaste là où il n’y a pas de mot Goya, pas de silence non plus aucune musique ne pénètre Goya, aucune musique ne sert de main tendue là où ça bourdonne du sourd de la raison Goya, le monde est sourd Goya, le monde est un cauchemar du sourd on patauge dans le cauchemar Goya, le cauchemar on n’en sort pas Goya, on y est jusqu’au genou Goya, jusqu’au-dedans du crâne Goya, cette foule déferlante du fin fond de la peur et du pire ce n’est pas vers la lumière qu’elle va ce n’est pas la lumière qu’elle cherche ni la prière quelle prière Goya, sans mot et sans silence foule bourdonnante zombies des illusions estropiés de l’esprit bouches de superstitions crasses qui alimentent le cauchemar Goya, sortis de la nuit ils y retournent pour être dévorés par le néant de la pensée les hommes les femmes ça n’existent plus Goya, ce n’est plus que des ombres le retour à la boue de l’âme du magma d’obscur bientôt mais leur passage avertit Goya, avertit la poignée de vivants d’obstinés à vivre debout à ne pas céder Goya, ta main qui voit nous avertit ta main qui pense nous avertit Goya, dans l’obscur tu descends dans l’obscur tu glisses dans l’obscur l’esprit s’écorche dans l’obscur ça bourdonne Goya, mais dans l’obscur tu ne t’écroules pas Goya, presque mais non Goya, tu nous dis de ne pas nous écrouler de ne pas céder quand tu as vu le trou Goya, le trou qui aspire tu peux te laisser tomber te laisser aspirer par toutes les illusions t’y noyer ou regarder ailleurs Goya, regarder ailleurs parce que tu as vu Goya, tu as vu dans le trou et seulement quand on a vu dans le trou on peut regarder ailleurs Goya, les yeux gardant cette lucidité d’eau noire cette douleur alors tu peux regarder et t’accrocher à la tête d’un chien au visage d’une femme aux yeux d’un enfant Goya, même si le monde s’acharnera à les salir des yeux neufs d’enfant où s’accrocher Goya, aux dents de lait de leur rire Goya,

 

INSOMNIE AVEC GOYA

 

 

siempre hay una buena razón para no poder dormir Goya, la guerra las atrocidades cotidianas la estupidez que circunda la locura que ronda las pesadillas al acecho Goya, la sed de entender Goya, entender lo oscuro en el hombre ese viejo sabor a sangre que vuelve a subirle a la boca la sed del mal esa garganta siempre seca ese empeño enigmático por destruir Goya, lo oscuro es preciso mirarlo Goya, ahí donde se encalla el pensamiento ahí donde la lengua se encalla Goya, ver el vuelco de ese límite Goya, esa zona de lo borroso de lo borrado ese difuso penumbroso Goya, ese umbral de lo opaco en el límite de lo inabarcable de lo inexpresable de un ignoto nefasto ahí donde no hay palabras Goya, no hay silencio tampoco penetra ninguna música Goya, ninguna música sirve de mano tendida ahí donde zumba lo sordo de la razón Goya, el mundo es sordo Goya, el mundo es una pesadilla de lo sordo nos empantanamos en la pesadilla Goya, de la pesadilla no salimos Goya, ahí estamos hasta las rodillas Goya, hasta adentro del cráneo Goya, esa muchedumbre que surge del fondo más fondo del miedo y de lo peor no es hacia la luz que ella va no es la luz que ella busca ni la oración qué oración Goya, sin palabras y sin silencio zumbando zombis de las ilusiones esos lisiados del espíritu bocas de supersticiones sucias que alimentan la pesadilla Goya, salidos de la noche vuelven a la noche para ser devorados por la nada del pensamiento hombres mujeres eso ya no existe Goya, ya sólo son sombras el regreso al barro del alma pronto magma de lo oscuro pero su paso nos advierte Goya, el puñado de vivos de obstinados en vivir de pie en no ceder Goya, tu mano que ve nos advierte tu mano que piensa nos advierte Goya, en lo oscuro bajas en lo oscuro te deslizas en lo oscuro el espíritu se rasguña en lo oscuro eso zumba Goya, pero en lo oscuro no te derrumbas Goya, casi pero no Goya, nos habla de no derrumbarnos de no ceder cuando has visto el hueco Goya, el hueco que absorbe puedes dejarte caer dejarte absorber por todas las viejas ilusiones ahogarte ahí o mirar hacia otro lado Goya, mirar hacia otro lado porque tú viste Goya, viste el hueco y sólo cuando uno ha visto el hueco puede mirar hacia otro lado Goya, los ojos guardando esa lucidez de agua negra ese dolor entonces puedes mirar y agarrarte a la cabeza de un perro al rostro de una mujer a los ojos de un niño Goya, incluso si el mundo se empecinara en mancharlos ojos nuevos de niño a los que agarrarse Goya, a los dientes de leche de su risa Goya,

 

INSOMNIO CON GOYA


 

 

Tu manges une glace en regardant la mer d’une ville nostalgique de sa gloire, au temps des villégiatures du roi riche des mains coupées, c’est qu’on est tous nobles, des putes aux bouffons, quand on porte la blessure des sarcasmes, tu te souviens des coquillages exubérants, des animaux empaillés et des babioles exotiques du bazar de ton enfance, du Chinois de ta sœur qui s’est fait la malle avec sa quincaillerie, tu te souviens que tu espérais l’avènement d’un christ rouge, mais la foule guidée par un tambour-major de mardi gras l’a piétiné, sans le vouloir, quand il a commencé à multiplier les harengs, ou bien il n’est pas venu à la kermesse, tu as même cru que c’était toi, que ça pourrait être toi, vieux mystique anarchiste, qui as mis plus de lumière et d’intelligence de la lumière dans ta peinture qu’il n’y en a dans la tête des sages qui trompettent, toi vieux misanthrope qui as forgé tes défauts en vision (beaux-arts boîte à myope), qui as fait gambiller le macabre et le grotesque au carnaval des couleurs, des couleurs saisies à la truelle, à la fourchette, à pleines dents, qui as fait turbuler une ribambelle de masques et de farces, qui as fait grincer des dents et des squelettes sous ta cruauté drolatique, qui as cravaché les franges d’humanité malfaisante, passé sous l’acide de ta dérision les petites ambitions et les grandes mesquineries, mêmes tes choux provoquaient des remue-ménages. C’en est fini de chahuter avec les os de morts absurdes déterrés dans les dunes, mais tu craches encore dans ta barbe ton chapelet d’insultes devant le bal des couillons, des grimaciers de vertu, comme à Ostende et comme partout. Tu n’imagines plus de memento mori, le corps est là pour te le rappeler, tu rêves d’un ex-voto de marin pêcheur, tu lèches un cornet de glace en regardant la mer, et tu joues au vieux baron, dernier masque sur la terreur de la solitude.

 

INSOMNIE AVEC JAMES ENSOR

 

 

Comes un helado mirando el mar de una ciudad nostálgica de su gloria, en la época de los veraneos del rey rico de las manos cortadas, es que somos todos nobles, desde las putas hasta los bufones, cuando cargamos con la herida de los sarcasmos, recuerdas las conchas exuberantes, los animales disecados y las chucherías exóticas del bazar de tu infancia, del Chino de tu hermana que se largó con su chatarra, recuerdas que esperabas el advenimiento de un cristo rojo, pero la muchedumbre guiada por un tambor mayor de Martes de Carnaval lo pisoteó, sin querer, cuando empezó a multiplicar los arenques, o no vino a la kermés, incluso creíste que eras tú, que podría ser tú, viejo místico anarquista, que has puesto más luz e inteligencia de la luz en tu pintura que la que hay en la cabeza de los sabios que trompetean, tú viejo misántropo que forjaste tus defectos en visión (bellas artes caja de miopes), que hiciste gambetear lo macabro y lo grotesco en el carnaval de los colores, colores agarrados con una pala, con un tenedor, con todos los dientes, tú que agitaste un montón de máscaras y de farsas, que hiciste rechinar dientes y esqueletos bajo tu graciosa crueldad, que fustigaste las franjas de humanidad malvada, pasaste por el ácido de tu mofa las pequeñas ambiciones y las grandes mezquindades, hasta tus coles provocaban desbarajustes. Ya se acabó eso de armar jaleo con los huesos de muertos absurdos exhumados en las dunas, pero escupes todavía en tu barba tu rosario de insultos frente al baile de los pendejos, de los gesticuladores de la virtud, como en Ostende y en todas partes. Ya no imaginas un memento mori, el cuerpo está aquí para recordártelo, sueñas con un exvoto de marinero pescador, lames un cucurucho de helado mirando el mar, y haces de viejo barón, última mascara sobre el terror de la soledad.

 

INSOMNIO CON JAMES ENSOR


 

 

la beauté caché des laids, des laids

se voit sans délai, délai

SERGE GAINSBOURG

 

lady di des freaks, qu’as-tu vu ? qu’as-tu fait ? lady di des freaks, qu’as-tu rêvé ? travelos, gogols, dingos, nains, idiots, paumés, chômeurs, vieux clown, putes, aristos ruinés, obèses, rachitiques, bancroches, bizarres, accidentés, vieilles peaux, sans-dents, drôles de gueule, suicidés en puissance et j’en passe, tous ceux à la place instable, toute cette composante de la nature humaine qui a bien le droit d’exister, tout le cirque de la human way of life au bord de la route, saisis dans la part de fantastique qu’ils dégagent et le cru de la lumière

 

nos failles font de nous des monstres ? nos traits difformes suffisent à nous qualifier ? dis lady di, n’y a-t-il pas toujours une brèche par où se reconnaître, le temps d’un regard qui reconnait l’autre, un regard qui entre par le masque et ressort avec du visage, lady di, ton objectif n’a-t-il pas déconfiné la laideur, renversé le stigmate, ton objectif n’a-t-il pas brûlé l’étiquette freak dans la foudre de ton flash ?

 

quand l’image fascine mais le modèle dégoûte, quand l’image séduit mais le modèle fait peur, dis lady di, est-ce qu’il s’opère un retour de l’image vers le réel ? ton œil est-il tombé dans le piège que toute image nous tend ?

 

tu en as trop vu lady di, le regard a fini par te dévorer

 

toi qui percevais dans la salle de bains des gens leur biographie, il existe peut-être une mauvaise photo de toi, lady di, au milieu d’archives oubliées, allongée toute vêtue dans ta baignoire vide, veines ouvertes, last supper : barbituriques

 

lady di

 

il n’y a de monstrueux que le cœur

 

INSOMNIE AVEC DIANE ARBUS

 

 

la beauté cachée des laids, des laids

se voit sans délai, délai

SERGE GAINSBOURG

 

lady di de los freaks, qué viste, qué hiciste, lady di de los freaks, qué soñaste, travestis, mongólicos, chiflados, enanos, idiotas, perdidos, desempleados, viejos payasos, putas, aristócratas arruinados, obesos, raquíticos, patituertos, bizarros, accidentados, vieja arpía, sin-dientes, jetas raras, suicidados en potencia y podría seguir, todos aquellos de lugar inestable, todo ese componente de la naturaleza humana que bien tiene el derecho a existir, todo el circo de la human way of life al borde de la carretera, captados en la parte fantástica que desprenden y el crudo de la luz

 

¿nuestros fallos nos convierten en monstruos, nuestros rasgos deformes bastan para calificarnos? diga lady di, ¿no hay siempre una brecha por la que reconocernos, el tiempo de una mirada que reconozca al otro, una mirada que entre por la máscara y salga con rostro, lady di, tu lente no ha desconfinado la fealdad, invertido el estigma, tu lente no quemó la etiqueta freak en el relámpago de tu flash?

 

cuando la imagen fascina pero el modelo repugna, cuando la imagen seduce pero el modelo asusta, diga lady di, ¿se produce un regreso de la imagen hacia la realidad? ¿cayó tu ojo en la trampa que cada imagen nos tiende?

 

viste demasiado lady di, la mirada acabó por devorarte

 

tú que percibías en los cuartos de baño de la gente su biografía, quizá existe una mala foto tuya, lady di, en medio de archivos olvidados, tumbada vestida en tu bañera vacía, venas abiertas, last supper: barbitúricos

 

lady di

 

lo único monstruoso es el corazón

 

INSOMNIO CON DIANE ARBUS


  

 

Stéphane Chaumet (1971, Francia) ha vivido en países de Europa, América latina, Medio Oriente, Asia y en Estados Unidos. Ha publicado las novelas y relatos: Aun para no vencer; El Paraíso de los velos (crónicas de Siria); Las Marionetas; La isla sin salida; El gusto del vértigo, La sonrisa del cerdo (crónicas de China); Sobre los caminos perdidos. Y los libros de poesía: La rabia del rinoceronte enjaulado; La travesía de la errancia; Los cementerios engullido; Fisuras; El azar y la pérdida; Insomnia y Celdas. Varios de sus libros fueron traducidos al español. Tradujo al francés a varios poetas latinoamericanos y españoles, a la poeta alemana Hilde Domin y a la persa Forough Farrokhzad, también a poetas francófonos al español.

 



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